
Jacqueline Macé-Bordy
Mes voyages, mes recherches

Figure 5 - Alcide d'Orbigny
1839

Figure 2 - Rudiste

Figure 3

Figure 4
Foraminifères
Conférence donnée par Jacqueline Macé, devant les Amis du Muséum,
le 24 Mars 2018, à l’amphithéâtre d’Entomologie du Muséum
D’Orbigny et les Rudistes, ces bivalves étranges
Après une rapide présentation de quelques spécimens de rudistes (un Hippuritidae (fig. 2), un Requiniidae et un Diceratidae), la conférencière (fig. 1) aborde la vie et la carrière de son personnage.
Alcide Dessalines d’Orbigny, naturaliste et paléontologue, nait à Couëron (Charente-Maritime) en 1802, fait ses études classiques à La Rochelle, gagne ensuite Paris en 1824. Il s’est intéressé à plusieurs reprises aux rudistes : en 1839 lorsqu’il étudie les Caprines de l’Ile d’Aix, en 1850 quand il créé 42 espèces nouvelles de rudistes dans sa Paléontologie française.
Naturaliste voyageur du Muséum national d’Histoire naturelle en 1825, il accomplira avec habilité et courage (les pays qui venaient d’être libérés du joug espagnol étaient l’objet de troubles internes), de 1826 à 1834, une difficile mission d’exploration scientifique, géographique, ethnographique et anthropologique, au Brésil, en Uruguay, en Argentine, au Chili, en Bolivie et au Pérou. Au cours de son périple de plus de 7 ans (fig. 3), il fut l’observateur passionné des flores, des faunes et des populations. Son Voyage en Amérique méridionale qu’il écrit de 1835 à 1847, témoigne non seulement de talents d’observateur, de dessinateur mais aussi de réelles qualités d’écrivain. Il ramènera au Muséum une quantité incroyable de matériel (800 espèces d’Oiseaux, 6000 espèces d’insectes, 160 espèces de Mammifères, 17 espèces d’Annélides, 2300 espèces végétales, etc.). Il se fait remarquer par les professeurs du Muséum et membres de l’Académie des Sciences (Cuvier, de Blainville, Geoffroy Saint Hilaire, Latreille, Brongniart, Cordier) par ses travaux sur les Foraminifères (êtres unicellulaires entourés d’une coquille calcaire, mesurant moins d’un millimètre). En 1826, il publie un Tableau méthodique de 600 espèces de Foraminifères fossiles et actuels (fig. 4), grâce au microscope (très peu fréquent à l’époque) que son père, chirurgien dans la Marine, passionné par les sciences naturelles, s’était procuré, et aux sables des différents pays que les capitaines de bateaux lui procuraient. A. d’Orbigny est ainsi l’inventeur de la micropaléontologie. Ces Protozoaires sont de très bons fossiles stratigraphiques. A son retour d’Amérique, il construisit les bases de la biostratigraphie ; on lui doit des étages géologiques (Sinémurien, Toarcien, Bajocien, Cénomanien, Turonien, Stampien …) utilisés aujourd’hui par les géologues du monde entier.
Dans la deuxième partie de sa vie (fig. 5), il accomplit une œuvre immense avec la publication de la description de milliers de fossiles de France notamment dans sa Paléontologie française 1840-1860 : 2800 espèces mollusques et rayonnées sont décrites dans 9 tomes, avec une grande rigueur au niveau de la définition des genres et des espèces, une œuvre gigantesque qui ne sera pas terminée à sa mort en 1857 ; elle sera poursuivie dès 1861 par le Comité de Paléontologie dirigé par G. Cotteau (et composé de 7 scientifiques dont : de Fromentel, Piette, Cotteau, Eudes-Deslongchamps, de Ferry, de Saporta, de Loriol ). En même temps qu’il écrit sa Paléontologie, il publie deux autres grandes œuvres : le Prodrome de paléontologie stratigraphique universelle des animaux mollusques et rayonnés (1850-1852), où il examine 40 000 espèces d’Invertébrés du monde entier ! 18 000 seront classées dans les 27 étages géologiques qu’il a définis : Cours élémentaire de paléontologie et de géologie stratigraphiques (1849-1852). Il définit 27 étages géologiques, 28 périodes de créations successives d’espèces séparées par 27 évènements catastrophiques ou « révolutions du globe » (séisme, volcanisme, formation de chaines de montagnes…) qui entrainent la disparition de toutes les espèces animales et végétales et l’apparition de toutes nouvelles jusqu’à la prochaine « révolution du globe » (théorie inspirée de celle du Catastrophisme de Cuvier), un excès qui lui sera reproché !, la théorie évolutive de Darwin fait lentement son chemin !.
Le 5 juillet 1853, Napoléon III nomme d’Orbigny à la chaire de Paléontologie nouvellement créée, malgré l’opposition des professeurs du Muséum (d’Orbigny avait plusieurs fois posé sa candidature pour une chaire au Muséum, mais en vain !). Très heureux de cette nomination, il commencera ses cours en 1854 mais il en profitera peu de temps. En 1857, il meurt à Pierrefitte-sur-Seine où il est inhumé (paludisme, maladie de Chagas ?), épuisé et déçu par l’hostilité d’une partie des savants de l’époque (incompréhension, trop moderne dans sa conception des fossiles, jalousie, mesquinerie. . .). En 1878, toute son immense collection est regroupée dans la grande et belle Salle d’Orbigny du Laboratoire de Paléontologie. Une révision critique taxonomique et stratigraphique des espèces de la Paléontologie a été proposée en 1980 par Henri Tintant, professeur à l’Université de Dijon, elle a été conduite par la suite par J.C. Fischer (1930-2009), professeur honoraire du MNHN. La révision critique des Céphalopodes et des Gastéropodes du Jurassique et du Crétacé est terminée en 2005, publiée chez Masson, la révision des rudistes terminée en 2007 est publiée dans Annales de Paléontologie, éditée chez Elsevier Masson. Enfin, en juillet 2002, un hommage international a été rendu à Alcide d’Orbigny , au brillant naturaliste et paléontologue du XIX siècle, pour le bicentenaire de sa naissance (1802), dans un colloque, sous la conduite du professeur P. Taquet et de Mme M.T. Venec-Peyré, spécialiste des Foraminifères au Muséum, avec pour thème « Alcide d’Orbigny, sa vie, son œuvre, histoire de la stratigraphie de d’Orbigny à nos jours », il est suivi d’excursions dans les stratotypes toarciens et stampiens que d’Orbigny avait particulièrement bien étudiés. Il est honoré non seulement à Paris mais également à La Rochelle (où il a passé une partie de sa jeunesse), à Coueron (où il est né), en Charente-Maritime ; à Santa Cruz de la Sierra, en Bolivie, où il fut nommé en 1833, citoyen d’honneur au terme de son périple en Amérique du sud.
Paul Fischer, assistant d’Adolphe d’Archiac, (professeur de Paléontologie au Muséum de 1861 à 1868) déclara en 1878, dans sa Nécrologie d’Alcide d’Orbigny, devant les membres de la Société géologique de France : « par sa dimension stratigraphique, l’œuvre monumentale d’Alcide d’Orbigny est celle qui contribuera le mieux à donner une signification aux fossiles ».
Figure 1
